Les soins médicaux et la détection de la douleur sont des difficultés importantes.
Camille se laisse soigner très difficilement. Les visites chez le médecin traitant ne posent maintenant plus aucun problème, du fait de l’habitude, et c’est même avec un certain plaisir qu’elle se livre aux rituels de l’examen.
Mais tout ce qui est plus exceptionnel reste problèmatique. Le dernier exemple en date sont les soins dentaires. En septembre dernier, Camille s’est plaint des dents. Notre dentiste n’a pu l’examiner que trop brièvement sans véritablement voir où se situait le problème. Mais visiblement, il était de taille car Camille se plaignait systématiquement à chaque repas et en arrivait à ne plus vouloir manger.
Au final, une intervention sous anesthésie générale a eu lieu et… onze caries trouvées. Trois dents ont été arrachées, dont une dent définitive.
Nous sommes très inquiets pour la suite de cette surveillance dentaire qui ne peut guère avoir lieu, et nous ne désirons évidemment pas avoir recours systématiquement à l’anesthésie générale, que nous considérons comme une solution extrême et qui arrive souvent trop tard pour les soins.
Le 21 mai dernier, Camille s’est rendue chez la dentiste qui soigne également son frère et sa soeur. Nous lui avions montré avant le RV différentes photos relativement similaires de ce qu’elle allait vivre.
Sans problème, Camille a bien voulu ouvrir la bouche et faire contrôler sa dentition. Aucun soin n’a été nécessaire et heureusement, car nous ne sommes pas sûrs qu’elle en soit déjà là.
Désormais, nous allons l’amener tous les trois mois en rendez-vous régulier de contrôle en espérant pouvoir l’amener jusqu’à l’acceptation de soins, si besoin.
Le comportement de Camille vis à vis de la douleur est de façon générale, un problème pour nous, et plus généralement pour l’entourage.
Elle a un comportement très particulier pour signifier sa douleur, et il faut vraiment bien la connaître pour comprendre ce qu’elle veut nous dire. Elle pleurniche en se précipitant tête baissée sur mes genoux, ce qui voudrait vouloir dire des tonnes d’autres choses.
Elle connaît pourtant le signe “mal” en langue des signes, mais ne le fait pratiquement jamais. Il faut la questionner de façon très précise et avec des questions fermées, pour arriver à cerner l’origine de ses plaintes. Nous lui montrons les parties de son corps qui pourraient être incriminées en même temps que nous lui demandons si c’est à cet endroit qu’elle a mal. Souvent, ça marche. D’autres fois non.
De plus, lorsqu’elle se fait mal, elle se plaint en général de façon très discrète, et il faut là encore décoder ses mimiques, ses sons, aux intonations bien particulières dans ces moments là.
Et c’est une des choses que nous devons absolument faire avancer chez Camille.
Il est parfois difficile et délicat de faire la part des choses, entre le statut de « petite dernière » de Camille et ce qui est inhérent à son handicap.
Ce qui est certain, c’est que certains comportements sont parfois difficiles à gérer.
Nous avons à faire face à des rituels très fortement ancrés, cycliques, qui changent régulièrement mais ne disparaissent jamais.
Pendant plusieurs mois, elle a par exemple, voulu qu’une bouteille thermos soit accrochée à sa chaise lors des repas. Il est vrai que nous revenions de vacances et que nous avions utilisé cette même bouteille régulièrement. Camille ne comprenait pas qu’on puisse la ranger dès lors qu’on était revenus. Le fait qu’elle ait du mal à comprendre ne facilite pas les choses.
Actuellement, elle emmène un disque à chaque fois que nous prenons la voiture, et nous devons supporter une musique parfois insupportable durant de longues minutes de trajet en espérant qu’elle s’endorme pour pouvoir reposer nos tympans. Nous arrivons à lui faire changer de disque, à écouter la radio quelques minutes au bout de plus d’une demi-heure de CD imposé, mais pas question de partir sans CD sous peine de devoir faire face à une énorme colère et à des pleurs interminables. En conduisant, c’est risqué et peu supportable sur le long terme.
Nous avons une piscine à balles au deuxième étage de la maison. (quelle idée !). L’une de ses solide et désormais vieille habitude est également de faire descendre toutes (je dis bien toutes…) les balles jusqu’au rez-de-chaussée pour ensuite les mettre en poche et les remonter dans la tente. Camille peut faire ça plusieurs fois de suite, malgré l’énergie et la fatigue que cela peut lui demander.
Camille est aussi ce qu’on peut appeler une jeune fille pas prêteuse. Elle interdit à quiconque de toucher à ses jeux ou objets. Les négociations peuvent s’avérer longues et souvent infructueuses. Ses frère et sœur en savent quelque chose…
Le problème, c’est qu’elle vampirise également les jeux des autres. Tranquillement et discrètement, elle s’accapare petit à petit ce qui n’est pas à elle, pour interdire à quiconque au bout de quelques temps (si l’on n’y prête pas garde), le droit d’y avoir accès.
Mais nous avons trouvé une parade qui marche merveilleusement bien : nous posons une étiquette sur l’objet en question avec bien en évidence, le nom de son propriétaire. Presque instantanément, Camille le laisse alors et ne tente (presque) plus d’y toucher.
Camille est également très peureuse. Peureuse est d’ailleurs un mot faible. Beaucoup de situations, de choses la terrorisent littéralement. Feux d’artifice, pétards, tonnerre, chiens, foule… créent chez elle une peur panique. Elle devient alors violette, se cache derrière ses mains, pousse des hurlements, se raidit, est complètement tétanisée. Rien ne peut la rassurer. Il ne reste qu’à s’en aller ou à éloigner ce qui la met ainsi dans ses états.
A bien d’autres occasions, Camille pousse des cris stridents qu’il n’est pas facile de contenir. Parfois, rien que de très normal, il s’agit d’un moment d’excitation collectif et voyant tout le monde rire ou s’énerver un peu, elle manifeste elle aussi sa bonne humeur et participe ainsi à sa manière à l’ambiance générale. Par contre, de temps en temps, lors de sorties par exemple, il lui arrive également de crier (fort, très fort…) et c’est un tantinet plus difficile à gérer. Le fait que Camille ait encore du mal à attendre ne facilite pas les choses. Plus petite, lorsque nous allions au restaurant, elle ne supportait pas d’attendre son assiette. C’était alors des cris, des pleurs, des jetés de couverts… Il fallait rivaliser d’imagination pour lui changer les idées jusqu’à l’arrivée du plat.
Maintenant, c’est un peu mieux, mais « attendre » reste toujours une notion assez floue relevant de la troisième dimension. Si par hasard, elle réclame son papa au beau milieu de la journée, ou sa sœur ou son frère pour jouer à Star Wars sur l’ordinateur, il faudra qu’ils apparaissent dans la seconde. Elle me fait alors comprendre qu’elle va les chercher, s’agite, s’énerve, trépigne, pleure, crie, va se planter au portail au cas où, et le petit manège peut durer de plusieurs minutes à quelques heures. Heureusement, grâce aux divers outils que nous avons mis en place (cf “outils pédagogiques”), beaucoup de ces comportements ont fortement diminué.
La garde de Camille pose également quelques problèmes. Ses frère et sœur ne peuvent s’en occuper, car le comportement imprévisible de Camille n’est pas gérable pour eux. Laisser Camille chez sa mamie un ou deux jours semble le maximum. Le coucher est bien sûr l’un des moments les plus délicats, mais pas seulement. Il lui arrive de me réclamer aussi dans la journée. Les pleurs déstabilisent alors mamie qui téléphone dans la minute, paniquée, en se proposant… de la ramener. Les autres petits enfants étaient assurément plus standard. Mais, mamie est toujours là au cas où, pour les gardes à la maison, et nous connaissons aussi une super nounou qui a tapé dans l’oeil de Camille…
Le sommeil a également longtemps été quelque chose de problématique avec des réveils nocturnes répétés. Il lui arrivait, jusqu’à il y a un an environ, de se réveiller à 3 h. et d’être d’attaque pour jouer pendant une à deux heures avant de se rendormir. Epuisant ! Désormais, elle passe de bien meilleures nuits mais se réveille encore parfois en milieu de nuit ou vers 5 h du matin. Quand derrière, s’ensuit une pleine journée d’école avec retour à 17 h 30, Camille est sujette aux petits coups de barre.
Mais nous faisons avec toutes ces difficultés. Parce que Camille est notre fille et que nous l’aimons. Comme elle est. Avec ses particularités. Comme nos autres enfants ont les leurs.
Le plus dur à supporter reste nos relations avec les administrations, professionnels (diversement compétents), secrétaires ou responsables des commissions.
Le plus dur à supporter, ce sont les temps perdus à faire des lettres restées sans réponse, les demandes de rendez-vous refusées, les lois bafouées, les temps de prise en charge arrachés, les mots et réflexions idiotes entendus, les jugements bien trop vite faits, notre rôle et notre expérience de parent souvent ignorés, le manque d’écoute, le nombre incalculable de dossiers à remplir, les choses dites ou écrites et non appliquées, les “on vous rappellera”, les promesses non tenues…
Et l’attente… toujours. Mêlée d’angoisse.
D’un bilan, d’un rendez-vous, d’une réunion, d’une décision, d’une orientation…
Courage Camille. La route est longue…