Famille et relations extérieures

Camille a une soeur et un frère, tous deux plus âgés qu’elle (15 et 12 ans).

Camille est vraiment en admiration devant sa « grande » sœur qui joue vraiment pour elle son rôle d’aînée.

Si elle a besoin d’aide et que je ne suis pas disponible, c’est vers elle que Camille se tourne. C’est elle qu’elle va chercher au car le soir, même si je ramène aussi son frère… avec qui Camille est souvent en conflit. Bagarre pour un oui ou un non, elle ne lui passe rien. Longtemps, elle lui a tiré les cheveux (qu’il a très longs). Désormais, elle ne le fait plus et une vraie complicité s’est installée entre eux.

Ci-dessous, Maxime avait fabriqué une voiture en carton, et chacun conduisait avec son propre volant. Un vrai bon moment !

 

Nous faisons garde à ce qu’ils aient eux aussi leurs moments à eux, seuls ou avec nous, leurs activités, leurs copains, loin de leur petite sœur si envahissante parfois. Pas question par exemple qu’ils gardent Camille dont les colères peuvent se révéler difficilement gérables et imprévisibles. Lorsque nous voulons sortir, nous faisons appel à une super grand-mère nounou qui a accroché tout de suite avec Camille (et vice-versa).

Dès sa première visite, elle l’a tout de suite comprise, contrairement à des personnes plus proches qui se proposent de la garder mais répètent à l’envie qu’ils ne comprennent rien à ce que Camille essaie de transmettre (elle en fait pourtant des efforts…).

Comment font ces mêmes personnes avec des petits qui n’ont encore pas la parole ?

 

Camille a toujours été bien « acceptée » par notre famille et nos amis sans que nous ayons à entendre des réflexions désagréables. Bien sûr, nous avons eu droit aux éternels (et inévitables ?) conseils, avant la connaissance du diagnostic, sous-entendant qu’il serait préférable de faire telle ou telle chose pour faire évoluer Camille.

 

Côté professionnels, de la santé principalement, « nos relations ont été (comme dirait Binet) aussi diverses qu’enrichissantes ».

La réflexion de la remplaçante de notre médecin traitant, s’adressant à nous, et parlant de Camille :  « Mais, elle est handicapée ou quoi ?  » mettra certainement quelques années à s’évanouir dans les méandres du monde obscur de l’imbécillité, jouxtant celui de l’indélicatesse. Mais, grosso modo, les personnels ont toujours accueilli Camille de façon correcte, notamment ceux des services de pédiatrie. Ils savent comment s’y prendre, comment parler à Camille, comment la rassurer parfois, contrairement à certains libéraux qui n’ont pas de connaissance particulière du handicap (laboratoire d’analyses notamment).

 

Idem pour les professionnels effectuant les rééducations. Nous avons eu droit à tout : certains motivés, d’autres nettement moins.

Certains ouverts, d’autres s’acharnant à faire un blocus sur toute information concernant notre enfant.

Certains condescendants, nous expliquant du haut de leur immense savoir ce qui était bien pour notre fille, d’autres nous considérant comme partenaires et désireux d’échanger les informations…

Certains avouant ouvertement n’avoir aucun projet de travail pour Camille, en affirmant  « ça va venir, il faut qu’elle le sente… », d’autres fourmillant d’idées, de pistes, inventant chaque séance ou presque de nouveaux outils pour s’adapter et faire avancer Camille, aussi heureux que nous devant ses progrès.

L’expérience nous a désormais appris que dans une année, si nous avons un professionnel correct, voire deux, nous devons nous estimer chanceux.

 

Camille grandit. Son comportement devient de plus en plus décalé par rapport à celui des autres enfants de son âge.

Les regards, qui se voulaient étonnés, ou attendris, devant le petit bout qu’elle est restée jusqu’à il y a encore peu de temps, changent imperceptiblement.

Parfois, ils se font curieux, insistants, interrogatifs. Je veux les prendre pour un désir de comprendre cette petite fille qui ne ressemble pas à la leur, de décoder ce qu’elle veut dire par ses sons, ses cris, ses gestes.

Mais pas facile d’assumer cette attitude un peu hors norme au milieu des allées de la grande surface lorsque Camille crie son désormais fameux « yè-yè ma » pour me signifier qu’elle vient de trouver le jambon, les bananes ou les flans… (je me suis toujours demandée pourquoi il y avait si peu de personnes handicapées dans les magasins, et je crois savoir pourquoi).

Pas facile dans la salle d’attente du médecin, du dentiste, de l’ophtalmo… de s’apercevoir que l’on guette les coups d’oeil qui se veulent discrets, mais que l’on a pris l’habitude de détecter bien avant qu’ils n’arrivent.

Pas facile d’entendre les réflexions des gamins et leurs « pourquoi ? » qui demandent une réponse claire et immédiate.

 

Alors, moi, ce que je fais, lorsqu’un regard me dérange, c’est que je fixe la personne droit dans les yeux, prête à lui sauter à la gorge.

Et jusqu’à présent, aucun accident n’est à déplorer.